Les entreprises mettent le plus souvent l’accent sur de nouvelles stratégies économiques et des changements structurels lorsqu’il s’agit d’améliorer leurs résultats et, en général, la culture d’entreprise n’est pas perçue comme un levier de performance.
Pourtant …
Le 27 juin 2016, Vincent Bolloré, fraîchement intronisé Président du Conseil de Surveillance d’un Groupe Canal alors mal en point, tient ces propos à ses collaborateurs : « L’important est de montrer que nous sommes un groupe uni, et qu’on s’entend bien« . Quatre mois plus tard, alors que le groupe est en pleine mise en place de sa nouvelle stratégie, l’ensemble des équipes d’I-Télé initie ce qui s’avèrera la plus longue grève de l’histoire de l’audiovisuel français. La raison invoquée ? Un profond désaccord avec la nouvelle ligne éditoriale de la chaine. Les conséquences pour le groupe : l’issue de la grève donne lieu à la démission de 100 des 120 journalistes de la rédaction.
A l’image de celle du groupe Canal, de nombreuses directions envisagent le redressement de leurs entreprises à travers l’unique prisme de la mise en place d’une nouvelle stratégie économique, accompagnée de mesures structurelles. S’il ne fait pas de doute qu’il s’agisse d’un levier de performance majeur, la prise en compte de la dimension culturelle est un important facteur clé de succès. « La culture ne fait qu’une bouchée de la stratégie ! » affirmait Peter Drucker[1] .
La culture d’entreprise, c’est cet ensemble de valeurs communes, rites, traditions et faits marquants liés à son histoire. Elle donne à l’organisation et à ses membres leur unicité. Elle est non seulement vectrice d’identification pour chacun des salariés mais surtout un puissant facteur de performance organisationnelle. C’est ce que montre, a contrario, l’exemple d’I-Télé. Elle est la pierre angulaire du niveau d’engagement, du sentiment d’appartenance et finalement de la qualité de la contribution des membres d’une organisation. Ce dont il est question ici c’est de l’entreprise en tant que communauté humaine. En effet, aujourd’hui, rares sont les entreprises qui peuvent renoncer à cette dimension. Il faudrait pour cela qu’elles n’aient que des tâches routinières à réaliser. Et s’il y en a encore, demain elles seront certainement robotisées ou digitalisées. Toutes les autres ont besoin dans leur mix-stratégique d’une proposition identitaire.
Frédéric Mazella[2], par exemple, fait du maintien de la culture « start up » de Blablacar sa priorité au même titre que la conquête de nouveaux marchés. C’est ainsi qu’il inculque à tout nouvel arrivant les 10 valeurs du groupe, telles que « Fail, Learn, Succeed »[3] ou « Fun and Serious »[4] Son but ? « Maintenir l’effervescence au sein des équipes et remplir nos missions tous les jours. »
Créer une culture d’entreprise forte réside aussi dans la mise en place de moments particuliers à l’organisation. Ainsi, tous les deux ans, l’ensemble des salariés de Danone se passionne pour la Danoners World Cup. Cette compétition de football voit s’affronter des équipes, dont celle du Comité de Direction, issues de tous les pays dans lesquels le groupe est implanté. L’objectif est de faire vivre aux collaborateurs un événement qui transcende les cultures singulières d’équipes, de départements ou de pays et qui marquera l’histoire de leur aventure commune chez Danone.
Il ne s’agit pas ici d’opposer structure et culture, mais de redonner à la dimension culturelle une place centrale dans la stratégie. Souvent délaissé, le sujet culturel dans l’entreprise incombe le plus souvent à la fonction RH, dont on décrie régulièrement la capacité d’influence sur la performance de l’organisation. Elle possède pourtant là un formidable levier au service de ses dynamiques humaines, encore faut-il un point d’appui solide à ce levier. Question de culture…
[1] “Culture eats strategy for breakfast”
[2] Fondateur et dirigeant du groupe Blablacar
[3] Echouer, apprendre, réussir
[4] Amusement et sérieux